Hezbollah : l’exécution de cheikh Nimr, un "crime odieux" qui déshonore les Saoud
Le Hezbollah a dénoncé avec fermeté
l’exécution du religieux saoudien cheikh Nimr Baqer al-Nimr ce
samedi matin la qualifiant de "crime odieux". Ce crime à travers lequel le régime saoudien a entamé le nouvel
an restera a jamais un déshonneur qui pourchassera fatalement ce
régime, instauré à coups de massacres depuis sa création et
jusqu'à présent. Rappelons que le dernier massacre qu’il a commis
n’est autre que celui perpétré contre les milliers de pèlerins
sur le lieu même de la Maison de Dieu à Mina, sans qu’aucun des
responsables (saoudiens) ne bronche ou ne présente des
excuses.
musulman qui n’a jamais eu les mains trempées dans du sang, qui
n’a jamais commis aucun crime, et n’a prononcé aucune parole
injuste ou offensante.
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Une Iranienne tient le portrait du religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr pendant une manifestation le 3 janvier 2016 devant l'ambassade saoudienne à Téhéran. (AFP)
Le portrait du leader chiite Nimr al-Nimr, exécuté le 2 janvier 2015 en Arabie Saoudite. (AFP)
En exécutant le chef religieux chiite Nimr Baqr al-Nimr samedi 2 janvier, le régime saoudien s'était préparé à la vague de violence et de colère de la communauté chiite dans le monde arabe et musulman, notamment en Iran et en Irak. Le 1er janvier, les forces de police avaient été mises en alerte maximum. Dimanche soir, la tension était encore très forte : selon l'agence saoudienne SPA, la police saoudienne aurait essuyé des "tirs nourris" qui ont fait un mort dans le village natal de Nimr al-Nimr a annoncé lundi .
C'est que le régime saoudien vient de fait taire l'un de ses opposants les plus virulents. Nimr Baqer al-Nimr était très connu. Il était le défenseur charismatique de la minorité chiite et un critique de la dynastie sunnite au pouvoir.
Le cheikh de 56 ans à la longue barbe grise avait mené en 2011, en plein Printemps arabe, le mouvement de contestation dans l'est de l'Arabie saoudite, à Qatif notamment, où se concentre la minorité chiite qui se plaint d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.
Considéré comme un "instigateur de l'insurrection", il a été arrêté le 8 juillet 2012 et blessé à la jambe en opposant "une résistance aux forces de sécurité". Son arrestation avait déclenché des affrontements avec la police dans les villages chiites de l'est du royaume, riche en pétrole.
Sa condamnation à mort pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes" a été annoncée le 15 octobre 2014 par un tribunal de Ryad.
Son neveu, Ali Mohamed al-Nimr, 21 ans, a lui aussi été arrêté en 2012, déclaré coupable de participation à des manifestations contre le gouvernement en 2012, d'attaque contre des forces de sécurité, de possession d'une mitrailleuse et de vol à main armée - sur la base de faux aveux extorqués sous la torture -. Il a été condamné à mort le 27 mai 2014 par la justice saoudienne.
"Je ne sais pas s'il y a un lien entre mon oncle et mon frère. Mais je sais qu'Ali n'a rien fait. Il n'est pas un criminel. Ni mon oncle", avait confié à "L'Obs", en octobre dernier, le grand frère d'Ali, Baqer al-Nimr.
LireLe cri de détresse du frère de Mohamed Al-Nimr
"Le pouvoir hait ceux qui parlent de politique à la maison, qui demandent plus de droits civiques. Il ne veut pas de changement, pas de liberté d'expression, pas de droits humains, pas de droits des enfants, pas de droits pour les chiites. Le gouvernement, la police religieuse, comme le reste de la population saoudienne, tous sont racistes envers nous."
Dans un entretien téléphonique avec l'AFP, le frère du dignitaire exécuté Mohammed al-Nimr, l'a décrit comme "un homme religieux, humble, qui menait une vie simple, qui le rendait attractif auprès des jeunes".
Selon lui, après le retour de son frère d'Iran en 1994 où il avait suivi des études de théologie, Nimr était devenu un "faqih", juriste théologien de l'islam, et jouissait d'une "position spéciale et distinguée" auprès des chiites en Arabie saoudite.
Il a affirmé que son exécution "provoquerait la colère des jeunes" chiites en Arabie saoudite, appelant toutefois à des "manifestations pacifiques".
C'est dans la mosquée Imam Hussein à Awamiya, son village natal, qu'il tenait ses prêches du vendredi, très politiquement engagés, a-t-il poursuivi. C'est également dans ce village chiite du royaume que les attaques et manifestations contre la police sont courantes.
Il a par ailleurs été brièvement détenu à plusieurs reprises entre 2003 et 2008 pour avoir réclamé la remise en liberté d'activistes, davantage de droits pour la communauté chiite dont le droit des enseignants à exercer dans les écoles, selon son site officiel www.sknemer.com qui est géré par sa famille.
Mais c'est en 2009 qu'il a commencé à énerver sérieusement les autorités, en appelant à une sécession de l'est de l'Arabie saoudite, une région majoritairement chiite et de sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn.
Dans un discours en novembre 2011, suite à la mort de quatre chiites dans la Province orientale, le cheikh Nimr avait appelé à "la remise en liberté de tous les détenus au cours de manifestations et de tous les prisonniers de conscience, sunnites et chiites".
Au cours des funérailles d'un des manifestants de l'époque, il avait assuré: "nous sommes déterminés à réclamer nos droits légitimes par des moyens pacifiques".
Mais en 2012, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre Nimr se réjouissant de la mort du
ministre de l'Intérieur de l'époque, le prince héritier Nayef.
"Que les vers le mangent", disait-il, critiquant également les dynasties sunnites régnantes en Arabie saoudite et au Bahreïn où les autorités ont écrasé en 2011, avec l'aide des troupes saoudiennes, un mouvement de protestation animé par la majorité chiite.
Le fils de Nayef, Mohammad ben Nayef, est devenu prince héritier l'an dernier.
"Il est regrettable que le verdict (de sa mise à mort) prenne davantage des allures de vengeance personnelle" plutôt qu'elle ne soit basée sur une preuve criminelle, a affirmé à l'AFP le frère du leader chiite exécuté.
Nimr "a prononcé des mots qui peuvent être durs mais il était le porte-parole d'une opinion. Il aurait pu être tenu politiquement responsable" mais pas exécuté, a ajouté le frère.
L'épouse de Nimr étant décédée d'un cancer en 2012, il laisse orphelins un garçon et trois filles. Ses enfants font leurs études aux Etats-Unis à l'exception de sa plus jeune fille qui vit en Arabie saoudite.
Des femmes chiites de Qatif manifestent après l'exécution de l'opposant Cheikh Nimr Baqer al-Nimr par les autorités saoudiennes, le 2 janvier 2016. © AFP PHOTO / STR
L’exécution du cheikh chiite saoudien, Nimr Baqer al-Nimr, avec 46 autres personnes condamnées pour terrorisme, avait pour but de montrer la détermination de Ryad à faire barrage à l’exportation de la révolution iranienne en terre arabe. Elle a eu pour effet indésirable de mettre en ébullition la minorité chiite du royaume, qui n’est pourtant pas la plus turbulente du monde arabo-musulman.
Sitôt connue dans le royaume, l’exécution, le 2 janvier
2015, du haut dignitaire chiite et opposant saoudien, Nimr Baqer
al-Nimr, a entraîné des manifestations de colère, sur trois jours,
de plusieurs centaines de personnes dans la ville de Qatif.
La
minorité chiite du pays a vu dans ce message à l’attention de
Téhéran une profonde injustice. D’autant que Cheikh Nimr, bien
que formé en Iran dans les années 80, n’avait jamais fait
allégeance au régime Khomeyniste.
Il avait même
traité de dictateur le président syrien, Bachar al-Assad, pourtant
allié stratégique de l’Iran et défendu par le mouvement chiite
libanais du Hezbollah.
Ryad prend le risque d'attiser
la colère de sa minorité chiite
Par ces
exécutions de masse, Ryad a donc pris le risque d’exacerber les
tensions déjà fortes dans la région entre sunnites et chiites,
mais aussi d'attiser le mécontentement dans sa propre minorité de
partisans de l’imam Ali.
En l’absence de
statistiques précises sur le nombre de chiites en Arabie Saoudite,
les membres de cette communauté sont généralement évalués à 10%
d’une population de près de 30 millions.
Toutefois,
le chercheur et politologue Tawfiq al-Saïf les estimait en 2010
entre 17 et 20%, localisés pour les deux tiers dans la province
d’al-Ahsa à l’est du royaume, notamment dans les villes de
Qatif, Dammam et Khobar. Une région connue pour abriter la plus
grande réserve pétrolière du monde : 22% des réserves
mondiales et produisant 98% du pétrole saoudien.
Les
chiites soumis à une politique de discrimination
confessionnelle
Soumis à une politique de
discrimination confessionnelle de la part du régime Wahhabite qui a
pour principe «la purification de la religion de toute croyance
populaire et phénomènes contraires à la vraie religion», ils
ont toujours été maintenus à l’écart des postes dans la
fonction publique.
Interdits également de postes de
responsabilité dans l’éducation, les institutions
semi-gouvernementales et les grandes entreprises nationales, à
l’exception de quelques postes dans la compagnie pétrolière Saudi
Aramco.
Mobilisés depuis la création du royaume en
1932 pour faire respecter leurs droits élémentaires de croyance et
de culte, d’expression et de publication ainsi que d’autres
droits civils, ils ont toujours souffert du dénigrement et de la
méfiance du pouvoir sunnite.
Une méfiance qui s’est
accrue après l’instauration d’une République islamique en Iran
en 1979 par l’ayatollah Khomeiny, avec pour principe actif
l’exportation de la révolution.
Malgré une ouverture du
roi Fahd sur leur communauté dans les années 90 – libération
de dizaines de prisonniers politiques, restitution de passeports
confisqués, dialogue accru avec les dirigeants de la communauté –,
les chiites n’ont pas connu de réelle amélioration de leurs
droits.
Les chiites saoudiens ne cèdent pas au chant
des sirènes de Téhéran
Ils n’ont pas cédé
pour autant au chant des sirènes de Téhéran, même si certains
groupes ont manifesté quelque sympathie pour la révolution
iranienne. Bien au contraire, attachés à leur identité saoudienne,
ils se montrent réfractaires à toute tutelle iranienne.
Selon
un opposant interrogé par Le Monde sur Skipe, les
récentes diatribes des responsables iraniens contre Ryad sont faites
«pour irriter les dirigeants saoudiens». «C’est
de la politique, estime-t-il, en réalité, l’Iran ne
cherche pas à nous soutenir. Et d’ailleurs, nous ne voulons pas de
son soutien. Nous ne lui faisons pas confiance. Ce que nous voulons,
c’est le soutien de notre propre gouvernement.»
En
effet, selon Tawfiq al-Saïf, «jusqu’aux années 1990, la
principale revendication chiite était la liberté religieuse. Mais
ces dernières années, elle est passée au quatrième plan derrière
les revendications telles l’égalité, la liberté d’expression
et la participation politique».
Des revendications
qui ne sont pas de nature à rassurer un pouvoir wahhabite inquiet de
la montée en puissance du chiisme en Irak, au Liban, et le soutien
apporté à la rébellion des Houthistes, issus du chiisme, au
Yémen.
Coincés entre Ryad et Téhéran
«Coincés
entre Ryad et Téhéran», selon la formule de l’opposant déjà
cité, les partisans de l'imam Ali en Arabie Saoudite marchent sur
des œufs. Ils refusent d’être enrôlés par l’Iran mais
craignent également pour la vie de plusieurs des leurs condamnés à
mort et en attente d’être exécutés eux aussi.
C’est
le cas d’Ali al-Nimr, neveu du cheikh du même nom dont l’exécution
a mis le feu aux poudres, arrêté en 2012 alors qu’il n’avait
que dix-sept ans et condamné à mort pour activité
terroriste.
Son père,
Mohammed al-Nimr, favorable à une contestation pacifique, a
posté sur son compte twitter un message sans ambiguïté. «Nous
apprécions les sentiments d'émotion exprimés pour le martyr (son
frère), écrit-il, mais nous refusons et nous condamnons
l'attaque contre des ambassades et des consulats du royaume en Iran
ou ailleurs. Nous aimons notre pays.»
1. christineb le 07-01-2016 à 22:14:12 (site)
Merci de nous informer. Mais ces pauvre femmes sur la photo, ne croyez-vous pas qu'elles sont instrumentalisées? En tout cas, elles ne donnent pas l'image de la liberté ni de la justice. J'espère et vous aussi sans doute le souhaitez-vous que la paix sera préservée.
La tension a monté d'un cran entre Téhéran et Riyad après l'exécution, le 2 janvier, du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr et des attaques de représailles contre des missions diplomatiques saoudiennes en Iran. L'Arabie saoudite et nombre de ses alliés ont par la suite rompu leurs relations dipomatiques avec l'Iran.
Défenseur de la minorité chiite en Arabie Saoudite, Cheikh Nimr Baqer al-Nimr était aussi un opposant virulent de la dynastie au pouvoir.
Il n'hésitait pas à critiquer ouvertement le royaume saoudien lors de ses prêches. "On ne soutient pas la famille Saoud. C'est notre droit, voire même notre devoir. On ne veut pas que les Saoud nous gouvernnent. Comment peut-on le faire, alors qu'ils tuent nos fils ?", déclarait-il ainsi en 2012.
En 2009, l'imam appelle à la sécession d'une province à l'est du pays. Une région riche en pétrole, où est concentrée la minorité chiite d'Arabie saoudite, pays majoritairement sunnite. Riyad le soupconne alors d'être un agent secret iranien et lance un mandat d'arrêt contre lui.
En 2012, il s'élève contre l'intervention militaire saoudienne au Bahreïn contre des manifestants chiites. Cette année là, le chef religieux est arrêté. Ses sympatisants descendent dans la rue pendant trois jours, pour réclamer sa libération. Des manifestations au cours desquelles trois personnes sont tuées.
Il est condamné à mort en 2014 pour "désobéisance au souverain" et pour terrorisme, lors d'un procès jugé injuste par plusieurs ONG internationales.
Son exécution le 2 janvier dernier survient alors que son neveu de 21 ans est lui aussi dans le couloir de la mort, accusé d'avoir participé à des manifestations de contestation du pouvoir saoudien en 2012. Il était encore mineur à l'époque.
http://www.france24.com/fr/20160105-video-etait-imam-chiite-nimr-al-nimr-execute-arabie-saoudite
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