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Titre du blog : Democratie et Justice Sociale en Islam
Auteur : justicesocialeislam
Date de création : 07-01-2016
 
posté le 07-01-2016 à 22:33:15

Conflit Iran - Arabie Saoudite : faux frères, vrais ennemis

 

 

 

L'exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr, opposant et leader chiite en Arabie Saoudite, a provoqué des manifestations parmi les communautés chiites du monde arabo-musulman et conduit à la rupture des relations diplomatiques entre Téhéran et Ryad. Depuis le temps que ça couvait…

Une guerre de religion au grand jour. Le chiisme contre le sunnisme. L’Iran contre les Saouds. La crise entre l'Iran et l'Arabie saoudite apparait de prime abord comme un règlement de compte entre les deux frères ennemis de l’Islam. Ce n’est pourtant qu’un prétexte à une guerre d’influence entre deux grandes puissances régionales.

 

Avant tout, on parle du choc de deux cultures aux antipodes l’une de l’autre. D’un côté les Iraniens, héritiers des Perses et d’une culture qui depuis Darius et Alexandre le Grand a rayonné dans le monde par ses écrivains, ses poètes, ses érudits. De l’autre, l’Arabie saoudite, qui est arabe. Mais contrairement à l’Egypte par exemple, c’est un pays littéralement "acculturé", qui n’a produit aucune idée ou littérature à part la lecture Wahhabite du Coran. Elle est parvenue sur le devant de la scène que par le biais du pétrole et de la protection américaine. L’or noir a fait d’elle une puissance capable de payer pour exister. Entre les deux, l’islam n’est au fond d’un accident de l’histoire, donnant à ces deux peuples qui n’avaient rien de semblable une religion commune que chacun lit différemment.

Aujourd’hui, Iran et l’Arabie saoudite sont surtout deux puissances régionales qui veulent agrandir leur influence et se retrouvent en opposition. Une sorte de guerre froide au Moyen-Orient sur fond de chute du prix du pétrole.

Leurs deux modèles politiques s’opposent. L’Iran est le fruit d’une révolution islamique populaire réussie, du renversement d’un monarque, le Shah, prisonnier de sa bulle en or massif. La structure du régime est une création originale, mélangeant pouvoir religieux indiscutable et un pouvoir séculier où des forces politiques s’affrontent comme dans tous les pays via la presse, les réseaux d’influence, les contre-pouvoirs etc. L’Iran est une tentative politique faite au nom de l’Islam.

L’Arabie saoudite est l’exact contraire. C’est une monarchie absolue et absolutiste qui se sert de l’islam pour justifier son pouvoir. La Mecque est en Arabie saoudite, elle organise le pèlerinage et le trône en tire un crédit indiscutable. La famille régnante possède au sens propre le pays. Les Saouds se partagent les fruits du sous-sol entre princes qui se comptent par milliers, laissant 18 millions d’habitants à l’écart des décisions. La famille royale est tellement riche que même en récoltant les miettes de son repas on vit bien ; il n’empêche, le système est à bout de course.

Le pouvoir se transmet nom pas de père en fils mais de frères en frères ! C’est pourquoi depuis 10 ans, les rois sont des vieillards octogénaires et que l’on se demande comment faire passer le sceptre à la génération suivante sans déclencher une guerre de succession entre les centaines de prétendants légitimes, princes, cousins et frères qui se distinguent par le rang qu’avaient leur mère dans les yeux de leur père.

Les deux systèmes, les deux pays, les deux cultures cherchent aujourd’hui à élargir leur influence. Avec la levée du blocus, L’Iran est sortie du rang de paria. Il peut donc tranquillement consolider ses positions. L’Irak, l’ancien ennemi juré, est en passe de devenir une annexe qui au passage compte de nombreux lieux saints du chiisme. En Syrie, il soutient bien plus encore que les Russes le régime d’Assad et depuis longtemps. Et bien sûr au Liban, le Hezbollah libanais lui obéit au doigt et à l’oeil. Cet arc d’Est en Ouest sur les pays majeurs du Moyen-Orient rend l’Iran incontournable dans la diplomatie régionale.

C’est pour s’opposer à cette hégémonie grandissante que l’Arabie Saoudite s’implique autant dans la chute d’Assad, finançant quiconque est prêt à prendre les armes en Syrie contre le régime. Pour cela aussi qu’elle finance l’Egypte ; bouchant les trous dans les comptes d’un régime qui plastronne en uniforme mais ne tient debout que grâce aux pétrodollars de l’Arabie dont les prédicateurs télé bouffent les cerveaux de sa jeunesse ; poussant ses pions au Yémen, où Al Qaida et l’Etat islamique représentent une menace directe dans ses reins. L’Arabie, nouvel allié de la France, qui elle cherche à équilibrer ses appuis dans la région après la lune de miel avec les Qataris.

Entre Ryad et Téhéran, la guerre n’aura pas lieu. Mais elle se fera par groupes ou pays interposés, comme pendant la guerre froide. Les Syriens en paieront le prix fort si l’on ne parvient pas à faire entendre raison aux faux frères vraiment ennemis.

https://fr.news.yahoo.com/blogs/ravanello/iran-arabie-saoudite-faux-freres-vrais-ennemis-174149531.html

 

 

<cite>Par Olivier Ravanello | Le Monde selon Ravanello</cite><cite> –</cite>